Vous avez réussi vos examens avec mention mais vous pensez que c'est parce que les épreuves étaient étonnamment faciles. Vous venez d'obtenir une promotion à votre travail mais au fond de vous, vous pensez ne pas la mériter vraiment. D'ailleurs, votre patron réalisera bientôt son erreur de vous avoir confié de telles responsabilités. Vous souhaitez être irréprochable tant au travail que dans votre vie privée tout en doutant de vos facultés à être une bon(ne) père/mère ou une bon(ne) époux/ épouse. Ces situations vous parlent? Vous présentez peut-être ce que les psychologues appellent le syndrome ou le complexe de l'imposteur.
Le syndrome de l’imposteur (SI) a été identifié par deux psychologues américaines à la fin des années 70 (Clance & Imes) mais ce comportement reste encore peu connu et peu étudié en France malgré une forte prévalence dans la population générale, et ce quel que soit le milieu professionnel, le genre ou les diplômes.
Mais qu’est-ce qu’au juste le syndrome (ou complexe) de l’imposteur ?
Les personnes manifestant le SI pensent ne pas mériter leur succès. Elles éprouvent ainsi le sentiment d’être des imposteurs malgré leurs réelles compétences, leurs intelligences ou leurs réussites pourtant objectives. Autrement dit, elles ont la sensation de ne pas être responsables de leur réussite malgré des signes externes de succès évidents, de bonnes performances ou d’évaluations professionnelles.
Ces personnes ont aussi l’impression d’être surestimées par les autres, et de ce fait de tromper sans cesse leur entourage (professionnel, social, familial) avec la peur constante de pouvoir être un jour ou l’autre démasquées ou accusées d’imposteur et ce malgré de réelles compétences.
Finalement, elles éprouvent de sentiment de ne jamais être à leur place et/ou de ne pas être légitime vis-à-vis de leurs succès au point de se sentir incompétentes et non méritantes des éloges ou de toute reconnaissance.
Il existe aussi chez ces personnes un fort sentiment d’inauthenticité (pensées, sentiments et actions estimés comme frauduleux de leur part) et une importante dépréciation de soi, de par leurs difficultés à s’attribuer leurs réussites (forte autocritique, standards de réussite et d’évaluation élevés, attribution des événements positifs à des causes externes et non internes).
Source de stress, de culpabilité et d’angoisse, le phénomène de l’imposteur n’est pas facile à détecter. En effet, par peur d’être «démasquées», les personnes qui en souffrent vivent dans la dissimulation permanente, usant de multiples stratégies (perfectionnisme, procrastination, dépendance au travail) pour gérer leur inconfort.
Comment naît et se développe le complexe de l’imposteur ?
Une multitude de facteurs prédisposeraient au développement du SI, chacun d'eux influençant différemment et à divers degrés les sujets. Le SI trouverait ses origines très tôt durant l’enfance. Parmi les principaux facteurs évoqués, le rôle joué par l’apprentissage (conditionnement), notamment vicariant (apprentissage reposant sur les processus de comparaisons sociales à travers l’observation des modèles parentaux ou des pairs par exemple), est important.
Le SI peut se définir comme une forme d'anxiété sociale (André & Lelord, 2008 ; Kolligian & Sternberg, 1991)), qui fait référence au regard que le sujet pense que les autres portent sur lui. La personne atteinte du SI a une vision déformée de l'opinion de son entourage sur elle. Elle projette sur les autres, sans en avoir conscience, le regard négatif qu’elle a sur elle-même.
De plus, au-delà des difficultés en lien avec l’apprentissage vicariant, un faible sentiment d’auto-efficacité et de satisfaction personnelle viennent s’associer au SI.
Par ailleurs, la nature des messages parentaux et de l’entourage axés sur l’intelligence, le succès, la compétition et les efforts à fournir pour atteindre un résultat donné, contribue aussi fortement au développement du SI. A cela s’ajoutent les traits de personnalités propres à chacun (Sakulku & Alexander, cité par Chassangre & Callahan, 2015).
Ainsi, on comprend bien que la répétition depuis l’enfance de ces messages spécifiques prônant l’ambition, la réussite, la compétition ou leurs interprétations et valorisant ou dénigrant certains comportements atypiques, finissent par influencer le développement de l’enfant en termes d’estime de soi, d’évitement des situations d’échecs, de processus d’attribution plutôt externe des succès, de représentations plutôt figées de l’intelligence et de la performance.
Une personne souffre du syndrome de l'imposteur si:
> Elle minimise son succès. Vous l’entendrez dire “je n’y suis pour rien”, “j’ai eu de la chance”, “tout le monde en est capable”.
> Elle travaille trop. Son investissement en temps et son implication sont si démesurés qu’elle risque le burn-out.
> Elle reporte les décisions, notamment celles qu’elle juge importantes, de peur d’être démasquée sans que cela n’ait à voir avec de l’incompétence.
> Elle s’inquiète d’une promotion. Au lieu de se réjouir d’avoir été choisie, elle ressent un malaise et se demande : “Qu’ont-ils bien pu me trouver?”
> Au moment de rendre des comptes, elle pratique la stratégie de l’évitement en posant, par exemple, des jours de congé.
> Les compliments, les éloges la mettent particulièrement mal à l’aise car ne les trouve pas justifiés.
> Elle est convaincue qu’elle n’est pas assez bien
> A une peur de l’échec ou de réussite paralysante
> Elle s’impose des standards de performance extrêmement élevés, particulièrement difficiles, voire impossibles à atteindre
Pensez-vous souffrir du syndrome de l'imposteur ?
Cette auto-évaluation, traduite de l'anglais à partir du site http://impostersyndrome.com , permettra de vous donner quelques indices.
A chaque affirmation, notez sur une feuille vos réponses soit :
1 : très rarement / 2 : parfois / 3 : presque toujours
a / Vous avez le sentiment que vous trompez les gens d'une certaine façon ou que vous donnez l'impression que vous êtes plus capable que vous ne l'êtes vraiment ?
b / Vous avez le sentiment que vos réalisations sont principalement dues à la chance, à l'aide d'autres personnes ou que vos réalisations ne sont pas aussi importantes que cela ?
c / Vous avez du mal à comprendre ou à accepter comment une personne comme vous pouvez être dans ce poste où vous êtes ou faites ce que vous faites ?
d / Lorsque vous réalisez quelque chose, par exemple, une formation, un bon résultat à un examen ou une promotion au travail, vous avez le sentiment qu'il doit y avoir une erreur, peut-être une erreur d'écriture ou une erreur informatique ?
e / Lorsque vous faites une erreur ou que quelque chose ne va pas, vous vous inquiétez car cela pourrait révéler que vous êtes un imposteur ou prouver que vous ne savez pas ce que vous faites.
f / En dépit de vos réalisations, vous avez le sentiment qu’à tout moment, quelqu'un viendra vous taper sur l'épaule pour vous dire « Nous avons besoin d'avoir une sérieuse discussion » ?
g / Vous avez le sentiment que chaque réalisation ou nouvelle réussite, au lieu d'être une source de satisfaction, augmente un peu plus la pression à atteindre la prochaine fois ?
Quel est votre score ?
1-7: vous doutez rarement de vos réalisations et ne passez pas beaucoup de temps à vous demander si vous êtes un imposteur ou non. En fait, vous êtes probablement surpris d'entendre que certaines personnes interrogent leurs capacités et doutent de leurs réalisations.
8-14: La plupart d'entre nous éprouveront des sentiments d’imposture de temps en temps, peut-être dans une nouvelle situation ou lors d’évaluation. Plus vous les expérimentez, plus ils auront un impact sur leur vie.
15-21: Le sentiment d'être un imposteur vous inquiète et a probablement un impact sur ce que vous pensez, ressentez et faites. Cela peut avoir un effet limitant sur votre vie. L'aide d'un professionnel peut s'avérer alors utile.
Conclusion
Les personnes atteintes du SI se croient véritablement incompétentes et ne sont pas toujours conscientes de leur problème, alors qu’il s’agit d’une interprétation erronée de leur part. Ce sentiment peut conduire à une grande détresse psychologique (anxiété, dépression, TOC ?, troubles de la personnalité) et constituer un réel frein à l’épanouissement personnel et au bien-être.
Une thérapie brève de type cognitive et comportementale peut les aider à supprimer cette croyance erronée et leur redonner l’estime d’elles-mêmes.
Sources :
Clance P. R. & Imes S. “The Impostor Phenomenon in High Achieving Women : Dynamics and Therapeutic Intervention”, Psychotherapy, Theory, Research and Practice, vol. 15, pp. 241-247.
Chassangre K & Callahan S (2015). “Le syndrome de l’imposteur; traiter la dépréciation de soi ». Ed Dunod, les ateliers du praticien.
http://impostersyndrome.com (anglais)